En guise d’introduction à cette recette, voici un bref extrait du livre « Le chou et la choucroute » par Tran Ky et François Drouard (éditions Charles Corlet 1997).
« Autrefois, en Alsace comme en Lorraine, chaque famille, après la récolte, confectionnait sa propre choucroute pour l’année. »
Tu (ne) le sais peut-être (pas), mais je n’ai pas toujours vécu au Québec et je suis née en Lorraine, une région française au climat continental où le chou pousse très bien, mais où ses habitants ont désormais perdu les savoirs-faire associés à la confection de la choucroute. Il me plait de croire que mon amour pour la choucroute s’est profondément inscrit dans mes gènes depuis des générations et qu’ils sont porteurs du souvenir bien vivant de mes ancêtres qui confectionnaient chaque automne leur propre choucroute puis la mangeaient pendant l’hiver, et ce durant des siècles, ce qui leur a permis de survire et à moi de voir le jour. J’aime imaginer ces paysannes et paysans parlant un dialecte, aujourd’hui disparu, récoltant, coupant et tassant d’énormes quantités de chou salé dans des tonneaux de bois afin de produire LA choucroute qui leur permettrait de passer au travers des rigoureux hivers d’autrefois, sans trop de dommages.
Cette choucroute-là, celle qu’on fabriquait avant l’ère moderne, c’était un véritable aliment de survie !
En effet, la choucroute (même celle que l’on produit de nos jours) possède une immense qualité, bien connue des marins et marchands-navigateurs des siècles passés : elle est une importante source de vitamines C et a évité à ceux qui avaient la judicieuse idée d’en embarquer à bord de ne pas mourir du scorbut et de mener à bien leurs très longs voyages en mer.
À mes yeux, la choucroute a de nombreuses autres qualités, par exemple, elle est économique, ne consomme que peu ou pas du tout d’énergie, est simple à réaliser et par dessus tout, elle est délicieuse !
Je pourrais aussi dire d’elle qu’elle va grandement contribuer à ton projet d’autonomie alimentaire, si tu cultives tes choux et que tu les transformes en choucroute à l’automne, puis que tu t’en nourris durant l’hiver, comme le faisaient mes pas si lointains ancêtres.
La durée de conservation de la choucroute est longue (de plusieurs mois à un an ou plus), si tu la places dans un endroit frais, (comme une cave à 10-12 °C) après qu’elle a complété sa fermentation (celle-ci peut durer de 3 semaines à 2 mois, selon le type de chou, la température de fermentation, la quantité de sel, etc).
Ma recette de choucroute n’est pas une recette traditionnelle, car comme me l’a si bien écrit celui que je considère comme mon mentor Sandor Ellix Katz , « there are many different traditions, and no need for us to be slaves to any of it ». Suivant ses bons conseils, j’ai pris la liberté de composer ma recette de choucroute selon mon propre goût. La voici:
Il te faut les ingrédients suivants: (NB/ j’utilise de préférence des ingrédients biologiques.)
du chou pommé vert (ou blanc) coupé en fines lanières;
du citron bio avec la peau coupé en 4 puis en fines rondelles;
des baies de genièvre entières ou des graines de carvi ( à ton choix)
de l’ail finement haché ou écrasé au presse-ail
du gros sel gris de mer (non raffiné, de préférence)
1 ou plusieurs bocaux en verre avec joint de caoutchouc et ressort métallique ou un pot à choucroute en céramique à joint d’eau
Voici un exemple de quantités, mais tu vas adapter celles-ci en fonction de tes besoins:
chou : 2,6 kg
citron : 1 (95 grammes)
baies de genièvre ou graines de carvi: 1.1/2 tbs (7 grammes, ou plus selon ton goût)
ail: 6-9 gousses d’ail, selon leur taille ( 50 grammes)
sel: 2,5% du poids net du chou (65 grammes)
Je te donne un petit truc que me sert à adapter les quantités : j’utilise cette bonne vieille règle de trois. Ainsi, par exemple si, au lieu de 2,6kg de chou, j’ai seulement 1,820kg, pour savoir quel poids d’ail je dois mettre dans 1820 grammes de chou, je fais le calcul suivant: (50 x 1820)/ 2600= 35 grammes. Idem pour les autres ingrédients. Facile et efficace, surtout avec une calculette.
Procédé
Coupe le chou en fines lanières puis mets celles-ci dans un récipient à fond plat et large (une bassine, par exemple) avec le sel. Malaxe-les avec les mains ou tape-les gentiment avec un pilon de bois ou si tu veux laisser le temps faire les choses, laisse le chou dégorger dans le sel pendant plusieurs heures et tu obtiendras le précieux liquide à ajouter dans ton pot.
Une fois que le sel a fait exsuder l’eau contenue dans le chou, ajoute les autres ingrédients et mélange bien.
Place ensuite le mélange dans un ou plusieurs bocaux, selon le cas, en tassant bien au fur et à mesure et en t’assurant que le liquide recouvre assez largement le chou une fois ton pot rempli. S’il manque du liquide pour recouvrir complètement le chou, ajoute un petit peu de saumure à 2% de sel (ou moins) à la surface, mais assure-toi de laisser un espace de 1,5 à 2 cm entre la surface du liquide et le haut du pot.
NB/ une saumure à 2 % signifie que pour 100ml d’eau non chlorée tu vas ajouter 2 grammes de sel.
Ferme le pot et place-le à environ 18 ou 20°C pendant au moins 21 jours (ou plus longtemps si la température de ta pièce est plus basse). Comme pour les autres fermentations, durant la phase hétérofermentaire des premiers jours, les bactéries impliquées produisent du gaz carbonique qui peut expulser un peu de liquide, alors place une assiette sous ton pot et rince-la tous les jours. Quand, après quelques jours, il n’y a plus de liquide dans l’assiette, c’est que la phase homofermentaire est en cours. Mets alors ton pot dans une armoire ou dans un endroit tranquille et à l’abri des rayons solaires.
Le plus difficile maintenant, c’est d’attendre 3 ou 4 semaines !
Comme tu ne mangeras probablement pas tout ton pot le même jour, une fois qu’il est ouvert, place-le au réfrigérateur ou dans un endroit froid. S’il te reste des pots fermés, place-les dans un endroit très frais (10 -12°C) ou au réfrigérateur.
Régale-toi !
Isabelle Meunier, Sainte-Agathe-des-Monts, Laurentides, Québec